Restitution a l’Afrique : « Cela ne s’agit pas de vider les musees francais ! »

Benedicte Savoy et Felwine Sarr s’expliquent sur leur mission concernant les ?uvres d’art africaines, dont le rapport reste

Benedicte Savoy et Felwine Sarr au musee d’art africain de Dakar, au Senegal, ici en mai 2018 lors en Biennale de Dakar.

Mission accomplie : un rapport va i?tre officiellement remis a l’Elysee votre vendredi 23 novembre, en reponse a Notre lettre que leur a adressee Emmanuel Macron le 19 mars 2018 sur la restitution des ?uvres d’art a l’Afrique. Benedicte Savoy, historienne d’art enseignant a Berlin et cette annee au College de France, et Felwine Sarr, ecrivain et essayiste senegalais, professeur d’economie a Saint-Louis du Senegal, le publient sous la forme d’un livre : Restituer le patrimoine a l’Afrique (coedite via Philippe Rey et le Seuil). D’emblee, ils ont choisi de s’exprimer sous une forme litteraire pour partager un reflexion au-dela du cercle politique. Edouard Glissant eut la meme demarche en 2006, s’acquittant de la mission que lui confiait Jacques Chirac sur la fondation d’un centre national concernant la memoire des esclavages ainsi que leurs abolitions sous la forme tout d’un livre (co-edition Gallimard, la documentation francaise) que prefaca Dominique de Villepin, alors Premier ministre.

Avant que nos lecteurs puissent lire votre ouvrage (en librairie le 27 novembre), nous publions ici l’entretien que nos auteurs nous avaient accorde le 31 octobre dernier, aussi qu’ils achevaient la redaction d’un concept sous embargo, jusqu’a remise officielle « sauf en cas de fuite », nous precisait Benedicte Savoy. Or Effectivement, le rapport a « fuite », via des sources politiques qui y trouvaient leur interet. Mettre Emmanuel Macron en difficulte ? Ou preparer le terrain aux conclusions derangeantes ? Le president d’la Republique n’ignorait gui?re a qui il s’adressait site rencontre zoosk en confiant votre bricolage a mener en toute liberte (disent les concernes) a deux intellectuels engages, vraisemblablement idealistes et aussi visionnaires – Felwine Sarr reste en particulier l’auteur d’un livre nomme Afrotopia. L’occasion un etait donnee la de faire bouger les choses, de « fonder une autre ethique relationnelle », considerant une relation « completement desequilibree » entre « ceux ayant bien, et ceux qui n’ont limite rien ».

Radical

En faisant toute la lumiere sur une histoire qui, que cela plaise ou non, innerve des agences de part et d’autre, Savoy et Sarr se montrent au diapason de l’univers tel que la jeunesse d’ici ainsi que la-bas l’envisagent, a l’heure en globalisation, dans une relation reinventee sur une base plus juste. A voir comment le fonctionnement pourront vraiment se mettre en place. Comment sera accueillie la proposition-cle de modification du Code du patrimoine francais, suggerant qu’apres requete d’un Etat, la France puisse restituer une ?uvre, s’agissant du patrimoine africain. Mais, peu importe l’accueil reserve par le gouvernement francais a votre rapport, certes radical, il restera 1 livre marquant i§a historique. Un moment Afin de s’arreter sur l’esprit en chose. Pour en juger. Nous en recommandons vivement la lecture tout le monde ceux qui veulent saisir de quoi, via une telle si explosive affaire une restitution a l’Afrique, il retourne vraiment. Nous tenons ici a remercier personnellement les auteurs de nous avoir accorde votre temps indispensable de l’explication.

Le Point : Quelle fut la methode de travail ?

Benedicte Savoy : Nous avons d’emblee reuni un groupe d’embauche, « nos amis critiques » (1), comme le suggerait la lettre de mission, qui ne soit surtout nullement homogene. Cela reunissait des positions extremes, depuis le president d’un Cran (Conseil representatif des associations noires de France, NDLR), jusqu’au president du musee [des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Oceanie et des Ameriques] du quai Branly. Nos priorites furent d’effectuer l’inventaire, d’aller en Afrique, a Notre rencontre des specialistes et des espaces, museaux ou non, susceptibles d’accueillir d’eventuelles ?uvres rentrantes. Ce que nous avons fera a le loisir de cinq voyages au sein d’ quatre pays, au Senegal, Mali, Cameroun et Benin.

Pourquoi ces quatre pays francophones ?

Felwine Sarr : Lorsqu’on regarde le nombre d’objets en collections nationales francaises, issus de la presence coloniale francaise, la provenance est principalement de l’AEF (Afrique equatoriale francaise) et AOF (Afrique occidentale francaise). Cela a ensuite fallu faire des parti pris : le Benin etait evident, du fera que ce pays a porte la revendication. Notre Cameroun etait votre pays interessant ou les chefferies royales ont un rapport au patrimoine et aux objets particulier, et une pluralite de dispositifs d’accueil des objets, des musees classiques a Yaounde aux cases patrimoniales traditionnelles. Notre Senegal nous a interesses pour quelques raisons (en dehors du fait que je sois senegalais), le musee des Civilisations noires y ouvre en decembre, ainsi, c’est la que nous avons mene un atelier avec une vingtaine de pays africains via ce que signifie restituer. Notre Mali, enfin, s’explique via l’importance du patrimoine malien, le grand musee de Bamako, ainsi, la cooperation ancienne avec le musee du quai Branly.

Benedicte Savoy : La priorite, tres importante pour nous, fut celle du travail d’inventaire tres precis a partir d’une base du musee du quai Branly, qui nous a ouvert l’ensemble des portes et nombre soutenu, pour’etablir la liste exacte des ?uvres, pays avec pays, actuellement conservees par le musee, soit 70 000 ?uvres de l’Afrique au sud du Sahara. Alors que le demeure des collections en France en comprennent probablement 20 000, et seules celles du musee du Quai Branly paraissent si bien inventoriees qu’on a pu travailler concernant leur provenance. Nous preconisons que des pays africains doivent avoir acces aux memes inventaires, aux objets, a toutes les reserves.

Comment se paraissent deroules ces huit mois de travail ?